Bonjour Cécile, Victoria et François, est-ce que vous pouvez vous présenter et me dire comment vous avez commencé la musique ?

François Raison : J’ai commencé par le saxophone quand j’étais petit, j’avais huit ans mais j’avais les doigts trop court du coup j’y suis retourné à 9 ans. J’ai fait du saxophone longtemps, mais pour moi seulement. Et puis, il y quelques années je me suis mis à la flûte surtout pour la musique de Jazz. Un jour, Emmanuel Donzella m’a poussé à chanter alors maintenant je chante aussi et ça me plaît. Je suis comédien à la base et je suis devenu musicien quand j’avais environ 20 ans. Je suis très loin d’être un virtuose mais j’ai toujours beaucoup aimé la musique et je joue volontiers quand la partition est modeste.

 

Caroline Victoria : J’ai fait du piano pendant 3 ans et du violoncelle pendant une année, mais je ne suis pas vraiment musicienne. Je suis avant tout comédienne depuis longtemps. J’ai un parcours un peu comme François. J’ai commencé à l’école et je suis devenue de plus en plus convaincue que c’était ça que j’avais envie de faire et j’ai passé d’une formation à l’autre avant de devenir comédienne professionnelle. Durant le TMRJazz, j’aurai le plaisir d’être sur scène pour lire des textes de la Beat Generation.

 

Cécile Messyasz : J’ai une formation musicale un peu dense. Je suis née dans une famille de musiciens donc j’ai toujours baigné dedans. J’ai commencé par le violon alto quand j’avais 6-7 ans puis après le solfège et le piano pendant 10 ans. Ensuite, je voulais absolument chanter, mais mes parents ne voulaient pas. J’ai donc insisté pendant des années jusqu’à ce qu’ils craquent et un jour mon père m’a offert un cours de chant d’essai dans une école de jazz. J’y ai assisté et j’ai dit « je ne veux plus jamais partir d’ici ». Donc en plus du lycée, j’ai suivi 7 heures de cours de chant par semaine dans lesquels j’ai fait du piano jazz, du jazz vocal et tout ce qui était théorie, harmonie, cours collectif et cours individuel. J’y suis resté 10 ans. Après coup, je suis parti aux États-Unis pour faire le Berkley College of Music à Boston et en rentrant en France, je suis devenue chanteuse de jazz professionnelle. Durant le deuxième confinement, je me suis remise au violon alto que j’avais abandonné depuis mes 17 ans et d’ailleurs je joue de l’alto sur le concert hommage pour Antonio Carlos Jobim pour la première fois depuis très longtemps !

 

Comment est-ce que le projet TMRJazz est né ?

François Raison : Je suis venu en tant que comédien jouer un spectacle ici à Montreux, nous avons parlé musique avec Khany et nous sommes devenus amis. Elle savait que je jouais du saxophone, du coup elle a eu l’idée d’un festival avec des textes, comme ça se passe dans un théâtre, et de la musique de jazz dans l’intimité de la vieille Ville de Montreux. L’intimité ça me plaît énormément dans tous les arts et du coup nous avons commencé ce festival il y a 3 ans. L’année d’après, c’était la Fête des Vignerons et ensuite le début du coronavirus… Du coup, cette nouvelle édition arrive à pic pour la réouverture des théâtres, pour le début de la fin de cette triste aventure de claustration. Le TMRJazz, c’est des concerts avec du texte et de la musique avec, entre autres, un récital de Antonio Carlos Jobim en bossa nova ou va entendre les textes en français qui sont des poésies magnifiques. Nous allons découvrir un concert hommage à Brassens, un récital sur la Beat Generation et le Jazz West Coast dans la littérature des années cinquante sur la côte ouest des États-Unis.

 

Caroline Victoria : En effet, après avoir été sollicitée par Khany il y a un peu plus de 3 ans, François a demandé à Cécile de chanter, à Guillaume Naud de jouer du Piano et à moi-même de lire. On se connaît depuis longtemps et on a joué plusieurs fois au théâtre ensemble. J’ai accepté tout de suite de participer au projet parce que j’ai beaucoup d’admiration pour ce que ce groupe de musiciens fait. Je suis très habituée au théâtre, je fais des tournées, je travaille aussi pour la radio, en doublage, mais c’était vraiment une première d’être intégrée à un projet musical et je suis ravie de pouvoir faire partie du TMRJazz.

 

 

Quels sont vos coups de cœur durant ce week-end TMRJazz ?

Cécile Messyasz : Pour moi c’est le concert hommage à Antonio Carlos Jobim ! Je me sens chez moi ! Pourtant ça a été dur à travailler parce qu’il y avait beaucoup de morceaux que je ne connaissais pas et qui sont hyper durs à chanter et qui m’ont donné beaucoup de fil à retordre. Je me sens vraiment dans mes chaussons à la maison avec Jobim et je n’ai jamais mis les pieds au Brésil. Je sais qu’il ne faut pas que j’y aille, car si j’y vais je ne vais pas revenir ! La Bossa Nova ça donne carrément la pêche !

 

Caroline Victoria : Spontanément je suis beaucoup plus familière de Brassens ! Des chansons avec lesquelles j’ai grandi et que je ne cesse de redécouvrir sans jamais me lasser. Mais je suis très curieuse du Jobim ! Je me réjouis de ce voyage !

 

François Raison : Je me réjouis de retrouver ce que nous avons pu vivre dans le Vinicius avec le Jobim et en plus on va être 6 sur scène. Ça va être beau ! Pour la Beat Generation je vais me retrouver à jouer du saxophone des morceaux que je rêve de jouer depuis toujours. Des morceaux que j’écoutais quand j’avais 8-9 ans. Le Brassens, c’est évidemment un rêve qui se réalise ! Si on me disait tu vas chanter un chanteur, lequel tu choisis ? Cela serait sans doute lui et on va être traversé par sa poésie, ça va être un moment extrêmement précieux. Le Jean Villard-Gilles, c’est Khany qui me l’avait proposé. C’est une mission dont elle me charge, ce n’est pas rien. Ça fait drôlement peur, en plus chez Jean Villard-Gilles, mais c’est très enthousiasmant en même temps. Julien Doumenjou au piano et Khany sera sur le plateau, ça sera une vraie expérience ! Et bien sûr j’adore Ella Fitzgerald et Nougaro… Mais si je devais choisir, c’est vrai que pouvoir chanter Brassens avec des copains en plus, c’est génial ! Ça va être drôle et très émouvant.

 

Caroline Victoria : C’est vrai, j’ai pu assister à une de leur répétition et j’étais bouleversée, il y a quelque chose qui résonne très fortement.

 

Cécile Messyasz : C’est sûr. Il ne faut pas oublier que si le concert Jazz West Coast prend aux tripes et peut être très mélancolique, durant le concert d’Antonio Carlos Jobim, vous allez avoir affaire à une équipe de rigolo. Je suis sûr qu’il y aura des moments de musique où nous allons avoir la gorge un peu serrée et les larmes qui montent, mais il y aura également des moments hyper drôles. Durant le concert de Brassens et de Jean Villard-Gilles également. Vous allez pouvoir traverser plein d’émotions différentes!

 

Quel est le point fort du TMRJazz selon vous ?

François Raison : Pour moi c’est vraiment la complicité et l’intimité du lieu. Et c’est Brassens, qui avait une très grande culture musicale, et qui aimait beaucoup la musique classique disait : pour chanter une chanson à un copain qui a un chagrin d’amour, une guitare c’est pas mal par rapport à un orchestre symphonique. On ne peut pas venir avec 80 musiciens pour chanter une chanson à un copain malheureux. Et moi j’aime beaucoup le côté intime, c’est très important dans le jeu, dans le théâtre, dans l’adresse à l’autre. Je trouve que c’est quelque chose de fondamental. Le TMR est un lieu idéal pour cela et ça fait un peu peur parce qu’on voit les gens… (rires).</span

 

Cécile Messyasz : Il y a aussi quelque chose qui fait qu’on se sent bien ici, c’est l’accueil ! Moi je n’ai jamais vu ça nulle part. Pouvoir répéter plusieurs jours ici sans que ça pose des problèmes, on est super bien reçu. Khany nous chouchoute et tout le staff du TMR est vraiment incroyable ! Cet accueil nous fait nous sentir super bien sur scène également. À la première édition, quand on a dû partir j’ai cru que j’allais pleurer. On ne voulait pas partir, c’était génial. On est vraiment dorloté ici. Yannick l’ingénieur son fait un boulot de dingue ! Il est d’une patience et d’une écoute d’ange. Je connais peu d’ingénieur son qui savent faire ça. C’est hyper bien organisé. Il n’y a rien qui se fait à la dernière minute. On a le temps et tout est chouette et ça nous permet des libertés qui, sur scène, donnent un résultat totalement différent.

 

Caroline Victoria : J’abonde dans ton sens, j’ai pu venir en Suisse pendant des tournées sur des spectacles plus court mais il y avait toujours une qualité d’accueil qui fait qu’il se passe quelque chose de très touchant. Et pouvoir prendre le temps c’est une vraie chance.

 

Pour finir, si vous n’étiez pas musiciens ou comédiens, qu’est-ce que vous feriez ?

Cécile Messyasz : Je pense que j’aurai été institutrice, j’aime enseigner. Et en même temps, je n’ai pas l’impression d’avoir choisi. Ça s’est imposé comme ça. J’ai essayé de faire d’autres trucs, mais j’ai été hyper malheureuse. Mais si ça se trouve, j’aurais été une bonne psychanalyste ou coiffeuse…

 

François Raison : Un jour, je m’angoissais terriblement et je me disais « si on ne m’emploie plus qu’est-ce que je peux faire ? » Je pense que j’aurais été menuisier ou ébéniste. Emmanuel Donzella c’est pareil. Il aime travailler le bois. Pour son anniversaire, je lui ai d’ailleurs offert des ciseaux à bois.

 

Caroline Victoria : Je suis particulièrement fascinée par les gens qui dessinent. Je pense aussi aux livres. Peut-être travailler dans une bibliothèque. Mais je pense vraiment que dans notre métier, il y quelque chose de l’ordre du soin de l’autre. On le sent quand on partage quelque chose sur scène avec le public. J’ai tellement hâte d’être dans la salle ! En dehors de ma participation au projet Beat Generation, jouer devant du public et être dans le public nous a tellement manqué. Je suis tellement avide. Moi qui ai beaucoup de trac d’habitude, là il y a quelque chose qui tremble à l’intérieur. Du coup, c’est super d’être entourée et ça va être génial !

 

Cécile Messyasz : Pour beaucoup d’entre nous, c’est la première fois que nous remontons sur scène depuis très longtemps. Ça va être une émotion particulière.

 

François Raison : Ça peut paraître un peu nigaud ce que je vais dire, mais je crois vraiment qu’il y a un parallèle entre le spectacle théâtral et l’acte d’amour. Tout seul, c’est quand même moins intéressant… Brassens disait dans une chanson « l’âge de s’amuser tout seul ne suffit plus ». Jouer tout seul dans la cour de l’école on y arrive, mais jouer avec les autres, c’est quand même mieux. On n’est pas tout seul !

Retrouvez Cécile Messyasz, Caroline Victoria et François Raison sur la scène du TMRjazz du 18 au 20 juin 2021.